Qu’est-ce que la douleur ?
yann 12 septembre 2019 Trucs et astuces 0Qu’est-ce que la douleur ?
August 1, 2019
Nicolas Blanchette, D.O , B.sc kinésiologie
De prime abord,
voilà une question plutôt simple. ‘’La douleur, c’est quand
ça fait mal !’’ Oui, bien sûr… mais encore? Pourquoi
éprouve-t-on cette sensation déplaisante ? Quel est son rôle ?
Pourquoi certaines douleurs s’en vont-elles rapidement, alors que
d’autres persistent dans le temps?
Enrichir sa compréhension sur la douleur ne peut pas faire de mal ! Les recherches montrent que d’éduquer les gens qui souffrent sur le phénomène de la douleur à un effet positif sur ce qu’il ressente, sur leur fonctionnement au quotidien, sur leur performance physique ainsi que sur leur niveau d’anxiété (Louw et coll, 2011). De plus, ne pas posséder de notions sur la douleur ouvre toute grande la porte à l’apparition de la douleur persistante plus tard dans la vie. En effet, si l’on éprouve de la douleur et que l’on ne comprend pas ce qui se passe, cela nous amène à développer de l’inquiétude et de la peur, cela encourage notre système nerveux à maintenir l’état d’alerte, la plupart du temps, sans que nous n’en ayons même conscience. Or, ces éléments, l’inquiétude, la peur, les croyances erronées entretiennent justement la douleur. Creusons l’expérience de la douleur plus en détail pour mieux comprendre cette sensation commune qui n’a pas fini de nous étonner.
Définition
de la douleur
L’International
Association for the Study of Pain (IASP) définit la douleur
ainsi :
‘’La douleur
est une expérience sensorielle et émotionnelle déplaisante
associée avec des dommages ou des dommages potentiels aux tissus de
l’organisme.’’
Très simple,
n’est-ce pas ? Encore une fois, les apparences sont trompeuses et
le diable est dans les détails.
Une
expérience
Commençons par ‘’une expérience sensorielle et émotionnelle’’. C’est notre cerveau qui a le rôle d’interpréter les différents signaux qu’il reçoit. L’expérience de la douleur passe donc immanquablement par le cerveau, dans toute circonstance. En quelque sorte, la douleur est bel et bien toujours dans notre tête, mais ce n’est pas pour autant qu’on s’imagine avoir mal ! Le fameux discours des professionnels médicaux qui, après une recherche exhaustive, ne trouvent pas la cause d’une douleur : ‘’monsieur, madame, vous n’avez rien, c’est dans votre tête’’ manque certes beaucoup de tact (et d’explications), mais on ne peut lui reprocher d’être faux. La douleur est une expérience que l’on vit. Mais, sans cerveau, sans système nerveux, il serait impossible d’expérimenter cette expérience sensorielle.
Mais la douleur
n’est pas qu’un simple phénomène physique sensorielle, c’est
aussi une expérience qui influence beaucoup nos émotions. Quiconque
a déjà vécût un épisode de douleur persistante peut se rappeler
avoir ressenti de l’irritabilité, une diminution de son moral ou
le besoin de se rester seul. Tous des traits de caractère qui
diffèrent de notre ‘’véritable’’ nature. La douleur est
donc plus qu’une expérience de nos sens, c’est aussi une
expérience émotionnelle qui pourra même avoir de profondes
répercussions sociales.
De plus, chaque
personne vit sa douleur selon une manière qui lui est propre.
Cette dernière est largement conditionnée par plusieurs facteurs
expérimentés tout au long de sa vie : l’hérédité
génétique, certes, mais aussi notre situation dans la vie (niveau
d’anxiété au quotidien, capacité de résilience et qualité de
notre soutien social, par exemple), ainsi que le conditionnement que
nous avons vécu pendant toute notre croissance en lien avec ce que
l’on perçoit que représente la douleur. L’expérience de la
douleur est donc profondément unique et individuelle.
La
douleur est une alarme
Ensuite,
arrêtons-nous à la partie de la définition qui mentionne ‘’avec
des dommages ou des dommages potentiels’’. La plupart des
gens associent la douleur avec une blessure et la présence de
dommages aux tissus mous (peau, muscles, nerfs, os, etc.). Bien que
dans le stade initial de la douleur, des dommages soient impliqués
dans la plupart des cas, la douleur est bien plus complexe que la
simple présence de dommages. En
fait, la présence de dommage n’est pas nécessaire pour la
production du phénomène de la douleur.
Plus notre organisme
est endommagé et plus on ressent de douleur, n’est-ce pas ? On est
porté à croire cette affirmation d’emblée, mais il n’en est
rien. Il
n’y a pas de corrélation entre la quantité de dégâts
tissulaires et la quantité de douleur éprouvée.
Vous avez bien lu : la douleur ne tient pas compte de la
quantité de dommages réels. Vous êtes-vous déjà coupé le bout
du doigt avec une feuille de papier, pour ensuite vous laver les
mains avec du savon contenant de l’alcool ? La quantité de
dommages à l’organisme est minime. Mais la douleur est pourtant
très intense ! À l’inverse, certaines personnes qui souffrent
d’ostéoporose (perte de masse osseuse) peuvent avoir une fracture
d’une vertèbre du dos et ne pas s’en rendre compte (source :
Osteoporosis Canada) ! Ces exemples sont innombrables.
Il y a aussi la
question du temps. De manière générale, notre organisme se
régénère de lui-même plutôt très bien (l’évolution l’aura
doté de plusieurs milliers de générations de temps de pratique)!
Par exemple, la plupart des os brisés (fracture) guérissent en six
à huit semaines. Au niveau du dos, des récentes recherches nous ont
aussi montré que plus une hernie discale est sévère, plus la
régression spontanée de la blessure (dégradation de la hernie) est
susceptible d’arriver rapidement et de manière importante. (JEGEDE
et coll, 2010, KOMORI 1996, TEPLICK, 1985).
Pourtant, plus une
sensation douloureuse perdure dans le temps et moins elle est liée
avec les dommages physiques de l’organisme. Ce concept peut sembler
bien abstrait à saisir, mais il est important de le comprendre si
l’on souhaite se donner des outils pour vaincre la douleur
persistante.
La
douleur est une ‘’sortie de données’’ du cerveau
Nous
savons que la douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle
unique. Nous savons aussi que la quantité de dommages réels n’est
pas égale à la quantité de douleur ressentie. Le prochain concept
important à comprendre est que la douleur est une ‘’sortie de
données’’ et non une ‘’entrée de données’’.
Tel un ordinateur hypersophistiqué, notre cerveau cherche constamment à prédire la meilleure réaction à avoir. Pour cela, il traite sans arrêt, et très rapidement, la multitude d’informations qu’il reçoit par ses divers sens quant à l’environnement extérieur et son propre environnement interne. Ces informations reçues représentent les ‘’entrées de données’’. La douleur, quant à elle, est une ‘’sortie de données’’ résultante du traitement de ces informations.
Nous expérimentons la douleur quand notre cerveau décide, inconsciemment, que la somme des informations qu’il est en train de traiter est ‘’dangereuse’’ et qu’il est nécessaire que nous soyons mis au courant de la possible présence de cette menace.
Les entrées de données sur lequel notre cerveau se base pour produire une réaction douloureuse peuvent être regroupées en trois classes. Elles peuvent être :
- Cognitives (nos pensées et réflexions)
- Affectives (nos émotions)
-
Physiques
(les messages issus des nerfs).
Plutôt
intéressant : seule une catégorie de ces trois entrées de
données fait référence à l’intégrité physique du corps. Si
la somme de ces informations est perçue par notre cerveau comme un
danger potentiel, alors nous expérimentons de la douleur.
Cette dernière pourrait à son tour changer notre façon de nous
mouvoir, notre posture, notre seuil de tolérance, notre niveau
d’anxiété, etc.
La
nociception et la douleur
Le nociception représente le message rapporté sur l’état des composantes de notre organisme par les nerfs périphériques (des extrémités) vers le système nerveux central (cerveau et moelle épinière).
Les nocicepteurs, ces récepteurs sensoriels spécialisés de notre système nerveux, sont situés un peu partout sur notre corps. Ils nous permettent de ressentir les pressions et étirements (mécanorécepteurs), répondent aux réactions chimiques comme l’inflammation (chimiorécepteurs) et nous permettent de réagir aux différences de chaleur (thermorécepteurs). Ils avertissent notre cerveau quand une surface est trop froide, trop chaude, trop rugueuse ou qu’elle irrite notre peau.
La nociception est un phénomène continu et commun, nécessaire à notre propre protection. Quand les récepteurs sensoriels sont stimulés passé un certain degré, ils alertent le cerveau que quelque chose est en train de se produire. Ce n’est pas un signe qu’il y a un dommage, simplement qu’il serait temps d’émettre une réaction. La réponse aux signaux ne se traduit par de la douleur que quand ces entrées de données issues de la nociception se combinent avec les autres entrées de données cognitives et affectives et que notre cerveau l’interprète alors comme un danger.
La
douleur aiguë et la douleur persistante
La douleur aiguë
est une réponse parfaitement normale et adaptée à un stimulus
dangereux : qu’il s’agisse d’un impact, d’une coupure ou
d’un étirement excessif. Elle est généralement produite en
réaction à une forme d’irritation des tissus pouvant inclure des
dommages à ces derniers. Dans le stade initial, son rôle est de
nous protéger. Nous pourrons ainsi modifier notre comportement ou
notre façon de nous déplacer pour éviter d’endommager encore
plus le site de la blessure pendant que ce dernier est nettoyé et
éventuellement régénéré par des cellules dont c’est la
fonction.
Pour certaines
personnes, la douleur ne se résorbe pas une fois la phase aiguë
terminée. La douleur passe à un stade persistant (le terme
chronique est parfois utilisé, mais ce dernier a une connotation
négative peu encourageante). La
douleur persistante apparaît lorsque des changements de notre
système nerveux amènent ce dernier à devenir plus sensible, plus
alerte.
La douleur persistante est un phénomène très complexe à lui seul
qui déborde le cadre de ce simple article. Il
est cependant important de comprendre ceci : plus la douleur
persiste dans le temps, plus elle est liée à une hypersensibilité
de notre système nerveux et non à des dommages physiques aux
tissus.
La douleur persistante doit être gérée et abordée de manière complètement différente de la douleur aiguë.
En conclusion,
la douleur peut être perçue comme un système d’alarme. Un
système d’alarme trop sensible peut se déclencher fréquemment et
sans la présence d’une réelle menace. Dans le cas de notre
cerveau, il peut même continuer à sonner même si on lui coupe sa
source d’alimentation (la blessure initiale). Comprendre la
complexité de l’expérience de la douleur est une étape
importante pour résoudre et gérer cette dernière.
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Nicolas Blanchette
pratique la kinésiologie et l’ostéopathie avec son équipe
Ostéo-Solution à Saint-Eustache.
Sources
Efthimiou,
Nick, Pain Science Made Simple, Integrative Osteopathy, 2015
International Association for the Study of Pain, https://www.iasp-pain.org/, 2019